2011-2012
Le Grand Écart
Photographier le paysage exige un positionnement face au monde et tout voyage en terres inconnues représente un défi, impose une posture que j’appellerais le « grand écart ». Celui de trouver la bonne distance, de percevoir, malgré l’éblouissement de la rencontre, ce qui semble significatif et juste dans les facettes que le réel donne à voir.
Ma première rencontre enchantée avec la Gaspésie et ses habitants a eu lieu en 2011. Cette expérience du paysage, mais aussi de l’amitié, a été, dès mon arrivée, mais également l’année suivante, placée sous le signe d’une pluie fine et durable, rideau gris, somptueux et velouté, ralentissant l’entrée des images sur la scène photographique. Cet élément aquatique en résonance avec le pays et sa large part d’eau a immédiatement, d’une façon radicale, réduit à néant la séduction trompeuse du premier contact, pour laisser affleurer une vérité sécrète et non spectaculaire provenant de ces vastes paysages en bordure du Saint-Laurent, aux habitations dispersées, monochromes et colorées à la fois.
Mon rapport au temps s’en est trouvé bouleversé, la part du ciel agrandie.
Il s’est formé un ensemble photographique loin des stéréotypes de « terre vierge » que le voyageur pourrait attribuer à ce territoire singulier du Québec. Le Grand Ecart n’est pas une carte postale. Il explore avec un réel attachement ces paysages subtils et silencieux, aux configurations spatiales loin de celles rencontrées sur le continent européen, mais « griffés » de plus en plus, et souvent d’une façon indélébile, par les traces produites par l’activité humaine.