2004-2008
Glissement de terrain
La question du territoire dans Glissement de terrain s’était posée, imposée devrais-je dire, lors de mon installation à Toulon. Habiter cette ville n’était pas un choix, mais le résultat d’un concours de circonstances et son approche s’est faite à reculons, par le biais d’une pratique photographique quotidienne liée à la vie de tous les jours.
Ville composite, hétérogène, mêlant tous les styles architecturaux, ayant souffert de l’absence d’une vraie politique urbanistique, Toulon, coincée entre la montagne du Faron et la méditerranée, n’affiche d’autres images fédératrices que son port militaire et la fameuse rade avec ses bâtiments de guerre. Curieusement, et malgré moi, c’est ce tissage urbain incohérent et anarchique qui s’est révélé être un matériau photographique riche et stimulant. Glissement de terrain est devenu ainsi l’histoire d’un attachement grâce à la photographie.
Sans l’intention de constituer un inventaire exhaustif de la ville ou d’en faire un portrait ressemblant, j’ai tenté d’établir une trame d’images évoquant un croisement de lignes, un chassé-croisé de fils et de couleurs. Nulle démarche dénonciatrice fustigeant le laid pour mettre en relief le beau, nul désir d’unifier dans un mur d’images ce qui se révèle à la fois singulier et répétitif, mais une attention constante à la complexité d’une ville en pleine mutation. Face à la fragmentation et son corollaire, l’enchevêtrement de formes, lignes et écritures, les prises de vue avec des cadrages basés sur une frontalité favorisent le découpage de «tableaux paysagers» dans lesquels la notion de verticalité se traduit fréquemment par l’omniprésence de poteaux, supports signalétiques, réverbères, mâts en tous genres. Petits glissements de terrain, comme si les mâts des voiliers du port de plaisance avaient trouvé ancrage sur la terre ferme. Il s’y joue la lente élaboration d’une ville imaginaire, sur fond de toile urbaine bien réelle, à compléter par le regard de l’autre, à investir par une lecture différente.