Arrivée en novembre 1993 en tant qu’artiste résidente au collège des Hautes Vallées de Guillestre, dans les Hautes Alpes, j’ai eu l’impression irréelle de pénétrer dans un décor constitué d’une succession de chaînes montagneuses devant l’immensité d’un ciel bleu servant de toile de fond.
Un lieu nommé le « Rocher de l’Ange Gardien », trouvé en explorant le territoire grâce aux cartes IGN, a motivé ma première excursion en paysage montagnard. Pendant tout le trajet sinueux à travers la combe du Queyras, j’ai tenté de me repérer visuellement dans cet espace escarpé. Mais mon regard, sans jamais parvenir à se poser, s’échappait, aspiré par le ciel,  lumineux et transparent à la fois, avant de plonger, quelques secondes plus tard, s’abîmant dans les ravins sombres, cherchant où s’accrocher afin de ne pas être charrié par le tourbillon de la rivière comme le sont les branchages brisés par le poids de la neige. A ma grande consternation, le rocher attendu s’est révélé un imposant Monument aux Morts de la guerre 1914 – 1918, réalisé en 1924 par le sculpteur marseillais Paul Gondard.
En cette première journée décisive, mon projet Fractures s’est précisé jusque dans sa mise en forme ultérieure. La voûte céleste s’est faite écho de la peinture du quattrocento italien. L’idée de l’évocation de la voûte céleste sur les tirages en noir et blanc s’est ancrée dans l’Annonciation de Fra Angelico, fresque caractérisée par une succession d’arcs dans un espace séparé par un pilier. La découpe de cartons représentant des voûtes aux courbes variées a, par la suite, permis un masquage précis sur le tirage et puis la colorisation avec des albumines. 
L’autre versant de cette œuvre à deux facettes, rencontre puissante avec un territoire inconnu, s’est incarné dans des photographies minérales, privées d’horizon, traversées par des coulures de couleurs.