Coupures/Reprises

coupures/reprises a été réalisé pendant une invitation en résidence par Diaphane-Pôle photographique de Picardie dans le cadre des Photaumnales de Beauvais.
32 tirages argentiques couleur, format 50 x 60 cm, contrecollés sur Dibond.
9 tirages couleur, d’après numérisation du négatif argentique, format 40 x 50 cm, encadrés (caisse américaine noire).
Edition du livre coupures/reprises aux Editions Créaphis, 2007, avec un texte de Jean-Pierre Nouhaud.
2007

Coupures/Reprises


« Les frontières de la ville, limites imaginaires ». Cette indication précédait ma venue à Beauvais : une commande photographique, c’est d’abord des mots.
Les images viennent après. Les seules images de la ville dont j’avais connaissance étaient des photographies aériennes montrant une ville détruite par les bombardements de 1940. Des champs de pierres, une ville à terre. Le présent anéanti.
On rencontre une ville, comme on rencontre un inconnu. Rien n’est neutre. La première fois risque d’être décisive. La relation future en portera l’empreinte.
 
Il y a des villes qui par leur beauté séduisent sans détours. D’autres dont l’unité architecturale comble le désir d’esthétique mais procure une sensation étrange d’inachevé. D’autres encore qui exigent un long et patient apprentissage de leurs codes secrets. Et puis celles qui tels des puzzles aux pièces manquantes demandent l’effort d’explorer les cases vides et de se perdre dans un patchwork d’histoire(s). Ce sont des villes sans « tour-operateur » où même le Petit Poucet risquerait de s’égarer. Des villes qui ressemblent au grenier de l’enfance. Tout peut y arriver.
Beauvais fait partie de celles-ci.
 
La ville m’est apparue sous un éclairage d’hiver comme un organisme vivant, hétéroclite, composé de nombreuses cellules agglomérées au fil du temps autour d’un noyau que la guerre aurait vidé de son centre. Tissée d’une multitude d’espaces, de formes et de lumières, elle s’étend, grignotant la plaine, tout en restant à la recherche d’un équilibre fragile. Ses frontières s’avèrent multiples. Elles apparaissent au coin d’une rue, à l’angle d’un mur, au bout d’un lotissement. Autant d’arrêts, autant de respirations, autant d’instants où l’imaginaire comble les interstices et dépasse le réel.
 
Mon travail sur Beauvais restitue cette notion de multiple, de strates d’histoire(s). Ce sont des images dans lesquelles l’arête, le bord, la limite sont à la fois coupure et lien subtil, juxtaposant et superposant des espaces différents dans une même prise de vue. La frontière a des airs de cicatrice. Le végétal, omniprésent à Beauvais, griffe de sa présence les espaces intermédiaires.
A l’éclatement des images et leur complexité répond une série de portraits d’habitants réalisés dans « la cour aux briques rouges » en bas de mon « chez moi » provisoire. Retour à l’intime dans un temps recentré qui exige de faire tomber d’autres frontières afin d’être au plus juste de soi et de l’autre.
                    Que restera-t-il  au fil du temps et parfois malgré nous, de ce qui aujourd’hui tisse notre quotidien ? Quels seront les événements, les images, qui vont émerger visiblement, durablement, laissant sous la surface du souvenir ce que le filtre du temps n’a pas retenu ?

    Beatrix von Conta, juin 2007

Back to top arrow