La série AQUA a été réalisée dans le cadre d’une résidence Écritures de Lumière à lux Scène nationale de Valence, Au bord des eaux mêlées s’inscrit dans sa continuité portée par le Contrat de Développement Rhône-Alpes Valence Drôme Ardèche Centre (CDRA VALDAC). Des extraits ont été publiés dans l’ouvrage Glissement de terrain, publié en 2018 par LOCO.
2010-2012
AQUA et Au bord des Eaux mêlées
« Et au milieu coule une rivière… ». Et si l’eau, à l’image de ce film mythique de Robert Redford, était déjà une légende, appartenant à un temps révolu, où inondations et crues, périodes de sècheresse et de faibles précipitations s’inscrivaient dans une logique acceptable et acceptée du paysage et de ses manifestations ? Ou sa quantité risque-t-elle, au contraire, d’augmenter suite au réchauffement climatique et devenir une menace redoutable pour certaines parties du monde. Liquide indispensable à la vie, générateur de mythes et légendes, à l’origine d’enjeux géopolitiques majeurs, l’eau détermine et influence jusqu’aux pratiques les plus quotidiennes. Naturelle, agricole, de loisir, contrainte, détournée, barrée, canalisée, elle est exploitée, parfois jusqu’à épuisement ou pollution définitive. De forme, l’eau n’a que celle qu’on lui donne ou qu’elle remplit. Informe, elle s’adapte à tout, épouse les contraintes, déborde les limites. Comme l’air, elle voudrait circuler librement, comme le feu, elle est repérable par ses traces. Trop ou pas assez, indispensable à la vie des hommes, elle les oblige à inventer ce qui pourrait la contenir et l’ingéniosité déployée par l’homme en ce sens est proportionnelle aux richesses qu’elle recèle ou produit.
Dans Aqua, je mets l’eau au centre de mes interrogations paysagères dans la Drôme. Nombreuses ont été les questions soulevées : comment donner à voir des éléments de notre quotidien, sans attraits particuliers, que l’œil souvent ne perçoit plus ? Comment évoquer l’eau, sans forcément toujours montrer sa réalité liquide et donner sa juste place aussi bien au minuscule abreuvoir perdu dans un champ hivernal, à la rampe d’arrosage qui, telle une libellule terrestre, signale des modes de culture spécifiques, ou à l’ouvrage bétonné qui barre le cours d’eau afin d’éclairer nos lanternes ?
Dans Au bord des eaux mêlées, j’aborde ces territoires aux identités multiples dessinés par les confluences de certaines rivières ardéchoises avec le Rhône. Photographiquement, nous sommes souvent confrontés à des images qui visent l’efficacité de la démonstration, soit en isolant une problématique du contexte, soit en privilégiant le choc visuel. Dans mes photographies, je tente non pas de noyer le poisson, mais de le faire évoluer dans un environnement élargi, complexe, porté par des détails subtils qui invitent le regard à une immersion rapprochée. Sans exhaustivité, ni inventaire à charge, je suis l’eau et ses méandres et apparences multiples, ce qui la borde et accompagne, consciente de voir apparaître dans le reflet trouble de sa transparence l’écho d’une société confrontée à la gestion impérative de sa rareté, ou de son abondance, à venir.