Dès ma première rencontre avec la photographie à l’âge de six ans, grâce à la découverte du catalogue de l’exposition The Family of Man organisée en 1955 par Edward Steichen au Moma à New York, j’ai approché les images comme des énigmes dont il fallait explorer le sens. Elles ont déterminé, par leur côté troublant, ma relation au monde, introduisant un doute durable quant aux apparences trompeuses du réel, mais aussi des paroles.
Depuis des décennies, je questionne, sous des formes et approches différentes, l’évolution du paysage contemporain. Une succession de séries aux écritures singulières qui ponctuent un parcours aux méandres multiples. L’espace naturel et l’urbanité des villes avec leurs incessantes métamorphoses identitaires, constituent le fil conducteur de mon travail dans lequel les thématiques de l’eau, de l’arbre et des cimetières reviennent régulièrement. Je considère le visible comme un espace en mobilité permanente, composé d’infinies mémoires stratifiées, interconnectées, infiltré d’innombrables mais signifiants détails témoignant de l’impact humain sur le paysage.
J’aime l’hétérogénéité et l’incohérence de ces endroits complexes, l’émergence surprenante d’une poésie qui, pour être perçue, exige du temps au regard. J’aime pouvoir me dire que le paysage, dans son immense fragilité, est aussi une fabrication de l’esprit, une constellation unique et éphémère qui, détachée de son contexte, s’organise devant mes yeux malgré son apparente immobilité, se voit cadrée dans mon viseur et exportée vers une vie sous un autre éclairage et sous d’autres regards.
Beatrix von Conta, 24 juillet 2024

Le territoire… ne serait certainement pas une masse ordonnée de traits fixés une fois pour toutes, bien plutôt un ensemble disparate d’inachèvements conjugués.
Jean-Christophe Bailly
France(s) territoire liquide, Collectif de photographes, Seuil/Fiction & Cie, 2014